Alain Bertho

Chercheur à l’UMR 7218 Laboratoire Architecture Ville Urbanisme Environnement-
Président du CNU Anthropologie biologique, ethnologie, préhistoire (section 20).
Directeur de la Maison des Sciences de l’Homme Paris-Nord
Membre du comité de coordination du Consortium IR Corpus « Archives des mondes contemporains »

Domaines de recherche

Mon investissement de chercheur a été entièrement consacré à une anthropologie de la politique au temps de sa crise historique : objet passionnant en constante redéfinition nécessitant une articulation constante entre l’ancrage dans des situations de terrain situées en lieu et temps et une réflexivité tant conceptuelle qu’épistémologique ou méthodologique. Chacune de ses dimensions a fait l’objet de publications.

De la crise du communisme à la banlieue

J’ai commencé à travailler sur la crise du communisme comme culture militante dès les années 80. Avant d’en faire l’objet central de la thèse qui portait sur le territoire de la Plaine Saint-Denis (« Le communisme dionysien entre la politique de la Ville et l’épuisement militant »), j’ai établi un lien problématique fort entre cette crise et l’émergence de la thématique de la Banlieue, lien que j’ai explicité dans mon ouvrage Banlieue, banlieue, banlieue en 1997 et développé dans mon HDR État, travail et politique en banlieue en 2000.
Le terrain d’investigation (qui a été celui de la thèse) est d’abord localisé en région parisienne. J’y explore depuis 30 ans les processus de crise de la politique et de la représentation, du côté des populations comme du côté des institutions locales. Des enquêtes annuelles ont été mises en place au sein de la MST dans les cités de Seine-Saint-Denis.
La création de l’Observatoire Franco Brésilien des Villes de périphérie marque une étape. Réunissant à l’origine les Universités de Paris 8 et l’ULBRA de Canoas (Brésil), la communauté d’agglomération Plaine Commune, la ville de Canoas, et le Forum des autorités locales de périphérie, il devient Observatoire International en 2010 et s’ouvre à des collaborations en Afrique, au Canada et à Rio de Janeiro. La collaboration avec des universités de Porto Alegre puis de Rio de Janeiro a permis de mener des enquêtes comparatives. Depuis 2011, ce travail comparatif s’est élargi aux problématiques de mobilisation dans la banlieue de Dakar. J’y ai effectué deux missions de terrain par an.

De la crise du communisme à la crise de la politique : Les émeutes

Après les émeutes françaises de 2005 que j’ai suivies sur le terrain, j’entreprends un travail international de comparaison des répertoires et des situations d’émeutes dans le monde. Outre des observations de terrain en situation en France (2005-2006-2010) ou au Sénégal (2011-2012), je construis une banque de donnée documentaire en ligne.
Ces recherches ont alimenté mes publications depuis mon livre Le temps des émeutes (Bayard 2009) et mon documentaire Les raisons de la colère programmé sur ARTE en 2010. Je publie une synthèse annuelle dans L’année stratégique. Ce travail entre en débat avec celui d’Arjun Appadurai (Géographie de la colère)
Les émeutes y sont traitées comme un phénomène mondial et un symptôme d’un effondrement des dispositifs de médiation, de représentation politique et de subjectivité collective qui va bien au-delà de la crise du communisme et qui s’étend sur tous les continents, quel que soit le régime ou le niveau de développement du pays concerné.

L’émergence de nouvelles mobilisations et de nouvelles subjectivités

Dès la grève de 1995 en France, je mobilise mes observations sur l’émergence de nouvelles formes de mobilisation et de nouvelles figures subjective :

  • Mouvement altermondialiste (organisation du Forum social européen de 2003 à Saint-Denis et du Forum social Mondial à Dakar en 2011).
  • Émeutes de 2005.
  • Mouvement contre le CPE en 2006.
  • Mouvements de Squats et de Sans papier en 2008, Roms à Saint-Denis en 2010-2012.
  • Mouvements de banlieue à Dakar de 2011 à 2015.
  • Insurrections de 2011 (mouvement "Y’en a Marre" au Sénégal).
  • Mobilisation de favelas contre les expulsions en 2012.

J’y analyse notamment les formes d’organisation, les répertoires d’action mais aussi les énoncés relatifs au pouvoir et les monde de construction (ou non) d’un discours commun.

Les mobilisations visuelles

Ce travail sur les émeutes et sur les mobilisations contemporaines m’a conduit à mettre un accent particulier sur un nouvel élément du répertoire de ces mobilisations : la vidéo amateur partagée en ligne. C’est aujourd’hui au centre de mes recherches, de mes publications récentes, de mes projets et de mon travail collectif (carnet de recherche http://mobvisu.hypotheses.org/) en collaboration étroite avec l’Université Laval (Québec). Ce travail est intégré au Consortium Corpus « Archives des Mondes Contemporains » à la direction duquel je participe.

Nouveaux objets, nouvelles exigences épistémologiques

Ce travail de long terme sur un objet en pleine transformation convoquait inévitablement une réflexivité problématique, épistémologique et méthodologique. L’hypothèse qui s’est peu à peu confortée mettait la crise de la politique comme culture et puissance subjective au cœur de ce que Michel Foucault aurait appelé un changement global d’épistémè.
Aller au bout de l’hypothèse de rupture séquentielle signifiait aussi le choix d’enquêtes multi situées (y compris sur plusieurs continents) et la mobilisation d’un comparatisme de la ressemblance, de la résonance, du fil rouge des nouveaux paradigmes.
C’est toute la question de l’identification du « contemporain ». Si on peut comprendre la clôture d’une telle séquence historique à partir de la saturation de sa propre pensée et de sa culture, le nouveau qui émerge, comme nouvelle puissance subjective et comme culture ne peut s’analyser qu’à partir de lui-même, de l’intérieur de ses paradigmes naissants. Ce constat mettait bien sûr l’ethnologie en position de force en situation d’enquête au contraire de la sociologie pour une part fille de la culture politique en voie de clôture. C’est ce qui a déterminé ma rupture avec la sociologie dans les années 1990. Il nous faut résolument lire le monde contemporain par-dessus l’épaule comme disait Clifford Geertz. Il nous faut travailler sur les énoncés en situation et sur le nouveau sens des mots lorsqu’il y en a. D’où un double choix d’enquête :

  • Un travail d’enquête en intériorité des mobilisations contemporaines lorsque c’est possible qui pousse au bout la logique de « l’observation participante » et intègre l’enquête comme une des dimensions de la mobilisation comme le propose Arjun Appadurai.
  • Un travail de lecture du répertoire (et notamment des images) lorsqu’il n’y a pas d’énoncés, c’est le cas des émeutes.
    Enfin, dans ces conditions, la réflexion épistémologique doit aussi intégrer à la fois un questionnement sur la nature du savoir produit et une mise à l’épreuve éthique de ses usages et de ses destinataires.

Publications principales

  • 2014 « Les mots et les pouvoirs », in Communications, 94 2014, Seuil, pages 15-30
  • 2013 « Soulèvements contemporains et mobilisations visuelles », Socio n°2 , pages 217-228
  • 2009 Le temps des émeutes, éd. Bayard, octobre 2009, 272pages
  • 2008 Nous autres nous-mêmes, éd. Le Croquant, mars 2008, 144 pages.
  • 2007 « Pour une anthropologie réflexive du présent : les mots et le temps », in L’anthropologie face à ses objets. Nouveaux contextes ethnographiques. sous la direction de Olivier le Cervoisier et Laurent Vidal, édition des archives contemporaines. 272 pages

Missions parallèles à la recherche

La direction de la MSH Paris Nord (USR sous tutelle CNRS- Paris 8-Paris 13 m’occupe tout particulièrement depuis 2009 comme directeur adjoint et depuis 2013 comme directeur. Cette USR accueille deux GIS dont l’Institut du Genre, deux Labex consacrés aux Industries culturelles et aux arts numériques, une IDEFI (Créatic), formation innovante financée par l’ANR, déploie une forte activité de valorisation en lien avec les collectivités territoriales et les entreprises du territoire et soutient chaque année une quarantaine de nouveaux projets de recherche interdisciplinaires et interinstitutionnels sous l’égide d’un Conseil scientifique international présidé par Maurice Godelier. J’ai 18 salariés sous ma responsabilité directe. Je suis membre du bureau du GIS « réseau national des MSH » depuis 2014

Depuis ma titularisation j’ai toujours assumé des responsabilités collectives.

A la direction de l’Université : conseil scientifique et pôle ville

J’ai été membre du Conseil de mes deux UFR successives (1998-2005 puis 2009-2013), président de la Commission de Spécialistes de la section 20 (2006-2008), membre du Conseil scientifique de 2002 à 2005 puis de 2008 à 2012 (membre du bureau chargé des relations internationales).
De 2006 à 2012, j’ai été chargé de mission auprès du président de l’Université Pascal Binczak, responsable des relations avec les collectivités locales, et j’ai négocié des conventions de partenariat avec le Conseil général et la municipalité de Saint-Denis.
En 2008, le Conseil scientifique de l’Université me confie la responsabilité de créer un pôle de recherche sur la Ville avec deux objectifs :

  • Faire face au départ de l’Institut Français d’Urbanisme et à la fermeture de l’École doctorale afférente.
  • La création et l’animation du « Pôle ville » avec un appel à projet annuel a fédéré les chercheurs de l’université de plusieurs disciplines et laboratoire travaillant sur la ville et a permis de réaliser ces deux objectifs :
  • L’axe « Penser la ville contemporaine » a été créé à la MSH Paris Nord fin 2009 et j’en ai assuré la coordination jusqu’à ma nomination comme directeur de l’unité en 2013.
  • La synergie des chercheurs sur la ville a largement participé à la création de l’UMR 7218 Laboratoire Architecture Ville Urbanisme Environnement le 1 janvier 2010 et à son ancrage à Paris 8.

La réunification des anthropologues de paris 8

La création de cette UMR a eu une conséquence imprévue et bénéfique : la réunification, à mon initiative, des anthropologues de l’Université de Paris 8 en son sein après 14 ans de dispersion, la possibilité ouverte de créer un M2 en anthropologie pour le prochain contrat d’établissement et la reprise des recrutements dans la discipline.

Dans les tâches nationales d’expertise AERES CNU

J’ai participé à des comités de visite AERES en 2008, 2009 et 2015 et à la commission sur les revues de la discipline de 2009 à 2011.
J’ai été élu trois fois au Conseil national des Universités section 20. Une première fois en 2003 comme Maître de Conférences puis en 2007 et 2011 comme professeur. Je préside la section 20 depuis 2011.

L’École doctorale Sciences Sociales

Élu directeur adjoint de l’École doctorale Sciences Sociales en 2006, j’en deviens le directeur l’année suivant et assume cette responsabilité jusqu’en décembre 2013. J’ai dirigé pendant 7 ans cette école regroupant 12 laboratoires et quelques 500 doctorants sans décharge de service. J’y ai impulsé l’organisation de séminaires interdisciplinaires annuels, de sept journées de doctorants dont plusieurs ont été publiées et d’un colloque sur les Frontières en novembre 2011 publié (Des frontières indépassables ? Des frontières d’État aux frontières urbaines, Armand Colin, 2012).
L’une des journées doctorales a permis de mettre en place un réseau interdisciplinaire de doctorants sur les questions de l’eau (le « RésEau ») qui fonctionne depuis 4 ans.
Notée C en 2008, cette École doctorale a obtenu la note A à la suite de l’évaluation AERES de 2013.

La Maison des Sciences de l’Homme de Paris Nord

J’en prends la direction en 2013 après quatre années de direction adjointe. Il s’agit d’une Unité de Services et de Recherches avec un budget annuel de 226 000 euros, 18 salariés sous trois tutelles : CNRS, Universités de Paris 8 et de Paris 13. La MSH a une triple activité : promotion de recherches innovantes dans le champ de ses axes structurants (60 projets labellisés par an), valorisation des sciences sociales et lien entre la recherche et le territoire (collectivités et entreprises).