Dakar, proie des eaux. Sociologie de la ville catastrophée
J’ai le plaisir de vous inviter à la soutenance de ma thèse de doctorat intitulée :
Dakar, proie des eaux. Sociologie de la ville catastrophée
Dirigée par Agnès Deboulet et Armelle Choplin
Cette soutenance se tiendra le 11 décembre 2020 à 9h (heure française) par visio-conférence.
Le jury sera composé de :
Soraya BOUDIA, Professeur de Sociologie, CERMES3 (UMR 8211)
Armelle CHOPLIN, Professeure de Géographie, Université de Genève, Global Studies Institute
Agnès DEBOULET, Professeure de Sociologie, Université Paris 8, LAVUE (UMR 7218), CEDEJ
Philippe HAMMAN, Professeur de Sociologie, Université de Strasbourg, SAGE (UMR 7363)
Philippe LAVIGNE DELVILLE, Directeur de recherche en Socio-anthropologie, IRD, UMR GRED
Sandrine REVET, Directrice de recherche en Anthropologie, CERI, Sciences Po
AbdouMaliq SIMONE, Professeur de Sociologie, University of Sheffield, Max Planck Institute
Résumé de la thèse :
Depuis une vingtaine d’années, des inondations importantes touchent de plus en plus régulièrement des villes africaines, sahéliennes notamment, et plus généralement de très nombreuses villes à travers le monde. Ce qui frappe dans ces événements, c’est moins leur ampleur que la régularité de leur manifestation. Il semble que la catastrophe s’y soit installée dans le paysage urbain pour ne plus en partir, effaçant de la carte des quartiers entiers, et menaçant les possibilités de vie dans ces environnements bouleversés. A partir de l’analyse des inondations frappant les quartiers populaires de la banlieue de Dakar depuis la fin des années 1980, l’enjeu de cette thèse est de faire émerger un objet de comparaison, celui de la ville catastrophée.
Si les sciences sociales se concentrent depuis quelques années sur la « vie dans les ruines » ou « dans les décombres », caractéristique des paysages de l’anthropocène, peu d’études se sont encore consacrées à la description et l’analyse de ces paysages en ville. A Dakar, la ville catastrophée est le produit d’histoires imbriquées de modes d’urbanisation, de pratiques d’habiter, d’évolutions géologiques et climatiques, et de formes d’action publique visant la transformation et l’aménagement du territoire. Dans les quartiers précaires de la banlieue, la vie dans « les » inondations se traduit ainsi par une « hantise » quant aux possibilités d’être expulsé, par les eaux, ou par les politiques publiques entendant traiter le « problème » des inondations. A partir de cette expérience, s’y recomposent des narratifs et des agencements visant l’action dans les mondes instables de la catastrophe.
Je décris dans cette thèse trois de ces agencements. Le premier vise la gestion locale des inondations au sein des quartiers affectés, par une combinaison d’engagements réciproques entre collectifs d’habitants, autorités publiques, parfois acteurs privés, fondée sur une base « opportuniste » mais orientée par les narratifs des inondations et les dispositifs d’adaptation du territoire décrits comme plus « structurels ». Le second consiste en l’un de ces dispositifs, produit par des « experts », des ingénieurs, des entreprises de construction, ayant pour but de baisser l’intensité des inondations à un niveau acceptable, par la construction d’infrastructures de drainage à l’échelle de la banlieue. Le troisième réside dans l’organisation des habitants des quartiers affectés en « plateforme » visant à traiter, non pas le problème des inondations, mais ses effets sur les ménages eux-mêmes, et impliquant pour ce faire de nombreuses organisations nationales et internationales.
L’ensemble de ces agencements est exploré selon une ethnographie translocale et multi-située, visant à rendre compte de la constitution de ces agencements depuis les couloirs des agences étatiques et de la Banque Mondiale, aux ruelles d’une commune de banlieue, Djiddah Thiaroye Kao, en passant par les quartiers précaires d’Accra, au Ghana. Cette thèse a en effet pour objectif la construction d’une figure, pouvant servir de base aux comparaisons entre villes catastrophées, dont la réalité dépasse largement la seule capitale sénégalaise mais tend au contraire à devenir l’une des modalités de la ville contemporaine.